Focus
Le Village Olympique, un laboratoire pour tester des réponses aux enjeux architecturaux et urbains de Paris
À la veille des Jeux Olympiques, tous les regards sont tournés vers une infrastructure phare de Paris 2024 : le Village Olympique. Réparti sur 3 communes – Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et l’Île-Saint-Denis – ce village a été conçu pour accueillir 14 500 athlètes et leur staff cet été, avant d’être transformé en un quartier urbain après les Jeux. Il représente un véritable laboratoire de conception architecturale urbaine.
Ce village unique est conçu pour répondre de façon optimale à des enjeux de taille dans le Grand Paris, parmi lesquels on peut citer :
- Concevoir des bâtiments s’inscrivant dans un développement durable, très vertueux sur le plan écologique, dans un objectif de réduction du bilan carbone et de confort climatique à moyen et long terme. Le Village Olympique s’inscrit dans la trajectoire de neutralité carbone en 2050.
- Réaliser des bâtiments évolutifs, conçus dès le départ pour différents usages, et intégrant une mixité des fonctions. Le Village Olympique deviendra un quartier urbain de 52 hectares avec des logements, des bureaux, des commerces, des services, des équipements publics, parfois dans les mêmes bâtiments.
Comment capitaliser sur cet exemple, et sur la dynamique de Paris 2024, pour aller plus loin en matière d’écoconception et de modularité des espaces ?
Ces deux dimensions – l’écoconception et la modularité – sont au cœur des projets architecturaux de SLA. Ce laboratoire de l’architecture urbaine permet d’observer comment les maîtres d’œuvre, forts de moyens exceptionnels, ont poussé ces deux dimensions.
Vers une écoconception au service du confort thermique et des économies d’énergie
Sur le plan de l’écoconception, le Village Olympique a notamment pris 3 directions très intéressantes, emblématiques de l’architecture urbaine de demain :
- L’utilisation, à grande échelle, de matériaux biosourcés comme le bois.
- La mise en place de rafraîchisseurs végétaux et urbains : une disposition des immeubles entrecoupés d’espaces végétalisés pour permettre au vent de circuler.
- La réalisation de toitures hydroactives pour stocker les eaux pluviales, irriguer la végétation tout en diminuant la température du bâtiment et de l’air ambiant via l’évaporation de l’eau de pluie.Ces solutions adressent intelligemment les enjeux environnementaux, tout en améliorant le confort climatique, sans recours à la climatisation.
Vers des programmations mixtes de bâtiments, plus modulables pour s’adapter aux nouveaux modes de vie
Sur le plan de la modularité, le Village Olympique est un exemple très intéressant. En effet, il a été conçu pour perdurer à travers différents usages : d’un Village Olympique qui répond aux besoins spécifiques des athlètes et des Jeux à un quartier de ville tel qu’on le conçoit en 2050, c’est-à-dire écoresponsable et fonctionnel. À la suite d’une phase de réversibilité, le futur quartier urbain intégrera également une grande mixité des espaces et de leurs usages avec, dans un même bâtiment, différentes fonctions possibles ou intégrées : habitations, bureaux, services etc. En effet, après les JO, des travaux seront effectués pour rendre le quartier résidentiel accueillant 6 000 employés et habitants avec des appartements adaptés aux familles.Pour SLA, cette question de la mixité des usages du bâtiment est centrale. « Les modes de vie changent, avec une modification plus rapide des besoins en logement des foyers et la généralisation du flex office réduisant les espaces de bureaux. », explique Riad Ameyar, président de SLA Architecture. Il ajoute : « Face à la difficulté à financer des bâtiments mono-programme, les co-financements de programmes mixtes se développent. La mixité des usages du bâtiment répond à ces tendances tout en permettant une optimisation d’un foncier précieux à Paris. »
Comment appliquer une conception architecturale d’avenir au patrimoine existant?
Dans un contexte foncier tendu, il paraît nécessaire d’adapter ces bonnes pratiques à des bâtiments existants. En réinventant ce patrimoine !
Grace à une conception au service des enjeux de rénovation des bâtiments
Avec la loi climat de lutte contre les passoires thermiques, la rénovation devient un enjeu urbain majeur. En effet, à Paris, beaucoup de bâtiments existants ne pourront plus être loués : 600 000 logements avec l’interdiction des classes G en 2025, 1,2 millions de logements classés F en 2028 et 2,6 millions de logements classés R en 2034. Pour Riad Ameyar une vraie ingénierie de la modularité doit se développer : « Des solutions innovantes de rénovation thermique doivent être mises en œuvre, tout en intégrant la mixité des usages dans les bâtiments. Nous devons penser la modularité des bâtiments existants pour proposer du sur mesure en fonction des besoins. »
Grâce à la réhabilitation de surfaces exceptionnelles
Un autre sujet nous paraît essentiel pour répondre aux enjeux fonciers : Paris regorge de surfaces exceptionnelles inoccupées ! Ces friches industrielles doivent être réinvesties pour devenir des lieux de vie.
Comment envisager le chantier de la rénovation énergétique du patrimoine parisien ?
À l’heure de l’entrée en vigueur de la loi Climat de lutte contre les passoires thermiques, les logements les plus énergivores ne pourront plus être loués (classés G en 2025, F en 2028 et R en 2034). Le décret tertiaire impose par ailleurs aux entreprises de réduire drastiquement la consommation d’énergie de leurs bureaux de plus de 1000 m2. Ainsi, de nombreux bâtiments doivent être rénovés pour se conformer à la législation.
Contrairement aux idées reçues, le patrimoine immobilier ancien, haussmannien, ne sera pas le premier concerné. En revanche un grand nombre de bâtiments construits après les années 50, notamment industriels, doivent être réhabilités. Et ils font également partie de la richesse du patrimoine architectural parisien !
Dans ce contexte, l’enjeu est de taille. Il s’agit d’engager des rénovations thermiques permettant tout à la fois :
- de préserver l’identité d’un patrimoine immobilier historique
- d’améliorer considérablement les performances énergétiques du bâti, pour suivre des trajectoires nationales très ambitieuses à moyen terme
- de profiter de ces rénovations thermiques pour optimiser le confort des usagers
Quel rôle peut jouer l’architecte dans cette rénovation thermique ?
Pour les architectes spécialistes de la rénovation du patrimoine comme SLA, la contrainte législative liée à la loi Climat et au décret tertiaire peut représenter une belle opportunité. Le parc industriel et semi-industriel parisien – avec les locaux de groupes comme la SNCF, EDF, les Voies navigables de France – offre notamment d’excellentes bases pour coupler la rénovation thermique avec une véritable réécriture architecturale ! Avec de belles surfaces et des localisations privilégiées, ce patrimoine ne demande qu’à être réinventé.
À condition d’engager une rénovation énergétique dans les règles de l’art ! Cette rénovation doit s’appuyer sur :
- le choix de matériaux isolants nobles sur le plan environnemental
- un soin particulier apporté à l’enduit, minéral
- une modernisation des ouvrants pour associer lumière, isolation et confort
- un travail sur la modénature, pour apporter une identité forte à la façade
Notre solution : une conception architecturale au service de la rénovation thermique, et inversement !
Pour associer qualité thermique et architecturale, nous pensons qu’il faut intégrer la question de la performance énergétique et du confort au cœur de la conception architecturale. En revenant à des solutions astucieuses, de bon sens !
Ainsi, lors de notre rénovation énergétique de la Tour P de l’IGN, commandée par le Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, nous avons pensé plus que jamais l’architecture au service des usages.
À titre d’exemples, nous avons mis en œuvre :
- des brise-soleil en bois sur les fenêtres côté ouest, pour améliorer naturellement et considérablement le confort des pièces
- une optimisation de la ventilation, au service du rafraîchissement
- des baffles acoustiques au plafond, pour améliorer le confort tout en modernisant le design de la pièce
Nous avons également profité de la rénovation thermique pour réinventer le bâtiment, en optimisant les coûts avec :
- un bel enduit minéral blanc pour couvrir une isolation par l’extérieur en laine de bois
- des châssis noirs pour les nouvelles fenêtres, permettant de jouer le contraste avec la façade
Le résultat est à la hauteur des attentes : le design du bâtiment est réinventé et la rénovation thermique permet de réduire les consommations de chauffage de 86 % !
De la même façon, nous avons capitalisé sur la rénovation thermique de la mairie de Chatou (78) pour :
- opter pour de grandes ouvertures, avec des menuiseries très performantes sur le plan thermique
- profiter des travaux d’isolation par l’extérieur pour repenser la façade en intégrant de la modénature
Ainsi, la rénovation énergétique dépasse son ambition de départ, en réinventant le patrimoine dans l’esprit d’une architecture moderne au service de ses usagers… Et ce à un coût très accessible !